Assistants familiaux
précarité, suspicion maltraitance, rémunération
Vous trouverez ci-après la lettre adressée par l'Union Nationale Force Ouvrière des personnels des services des Départements et des Régions à Madame le Ministre des Solidarités et de la Cohésion Sociale
UNION NATIONALE FORCE OUVRIERE
DES PERSONNELS DES SERVICES DES DEPARTEMENTS ET DES REGIONS
Madame le Ministre,
Notre Fédération, compétente pour les assistants familiaux, agents non titulaires de droit public, employés par les services d'Aide Sociale à l'Enfance des Départements, souhaite vous alerter sur la précarité dans laquelle cette profession exerce une mission de Protection de l'Enfance dans des conditions de plus en plus difficiles.
Sous couvert d'amélioration, la loi de 2005 n'a rien résolu de la précarité financière de cette profession ainsi que de sa pénibilité psychique.
Une délégation de notre Union Nationale désire vous rencontrer pour faire part des grandes inquiétudes des Assistants Familiaux.
Des mesures doivent être prises pour protéger ces professionnels de l'enfance qui accueillent nombre des "quelques 65 000 jeunes en grandes difficultés". On ne peut opposer l'intérêt des enfants accueillis à l'intérêt de ceux qui en assurent la prise en charge quotidienne. Alors que ce métier, tant au niveau qualificatif qu'économique, a prouvé son efficacité depuis des décennies, il est encore aujourd'hui, particulièrement maltraité.
Nous voudrions particulièrement attirer votre attention sur la précarité fonctionnelle et/ou financière de cette profession qui se décline, principalement dans trois circonstances différentes :
- retrait de ou des enfants accueillis pour suspicion de maltraitance
- départ du 2ème ou 3ème enfant accueilli alors même que l'assistant familial continue à accueillir au moins un jeune
- départ du dernier ou seul enfant accueilli
1- Situation de l'assistant familial en cas de suspicion de maltraitance :
La loi prévoit - article L.221-2, L.421-16 et L.422-5 du CASF - l'obligation de "la consultation préalable de l'Assistant Familial sur toute décision prise par la personne morale qui l'emploie concernant le mineur qu'elle accueille". Mais le recours à l'alinéa suivant : "sauf situation d'urgence mettant en cause la sécurité de l'enfant", permet à la hiérarchie de l'Assistant Familial au mépris de toute concertation et du respect de la présomption d'innocence, de procéder au retrait du ou des enfants accueillis. De plus, très souvent le retrait des enfants est réalisé de manière psychologiquement violente, tant pour l'enfant "enlevé", que pour l'Assistant Familial et sa famille.
Ainsi, alors que la procédure judiciaire n'est pas allée à son terme et qu'aucune certitude, quant à la réalité des faits, n'a été établie et à fortiori la culpabilité pénale de l'Assistant Familial ou d'un membre de son entourage, son contrat de travail peut se trouver rompu et elle peut subir un licenciement si la suspension ou le retrait d'agrément a été décidé.
Nous avons observé que parfois, sous prétexte de mesures de précaution (suspicion de maltraitance, voire d'atteintes sexuelles) certaines hiérarchies règlent leur compte avec leur personnel, s'autorisant ainsi à punir sans certitudes fondées, par "l'enlèvement de l'enfant". Cette souffrance psychique peut conduire un certain nombre d'Assistants Familiaux à l'arrêt pour maladie en lien ou non avec un syndrome de dépression nerveuse.
Pendant le temps de la suspension d'agrément, 4 mois, la loi ne garantit que le versement d'une indemnité compensatrice dont le montant ne peut être inférieur à la part correspondant à la fonction globale d'accueil soit au minimum 50 heures SMIC par mois ! (article L.423-8 et L.422-1 du Code de l'Action Sociale et des Familles). Si l'agrément est retiré, dans l'attente d'une décision judiciaire, c'est le licenciement qui peut intervenir. En plus du traumatisme psychologique vécu, c'est à un véritable cataclysme financier auquel ces collègues se trouvent la plupart du temps confrontés.
Pour tous ceux pour lesquels la justice ne donne pas suite, nous avons constaté qu'un certain nombre d'Assistants Familiaux ne sont pas rétablis intégralement dans leur fonction. Très peu se voient confier le nombre d'enfants qu'ils accueillaient avant la suspension. Ce sont des Assistants Familiaux devenus "bouche trou" à qui l'on propose très souvent des accueils séquentiels, ce qui les laisse encore dans une plus grande précarité.
De fait, nous pouvons déplorer que très peu de Collectivités optent simplement, pour un retrait "préventif" du ou des enfants, en maintenant le contrat de travail et la rémunération antérieure dans l'attente de la décision judiciaire, comme la règlementation devrait clairement le prévoir. Ces collectivités ne font donc pas le choix de la suspension systématique puis du retrait d'agrément, procédure qui est, elle, beaucoup plus pénalisante.
En effet, il est évident que la majeure partie de ces salarié(e)s se trouve de fait victime soit de dénonciation calomnieuse (article 226-10 du Code Pénal) soit de dénonciation mensongère (article 434-26 du Code Pénal) ou délit de dénonciation imaginaire, voir d'erreur manifeste d'appréciation des services sociaux.
Les Assistants Familiaux, à la différence de leurs homologues fonctionnaires dans l'attente d'une décision du Conseil de Discipline, avec lesquels ils travaillaient au quotidien, n'ont donc pas la garantie du maintien de la rémunération.
Nos demandes sont les suivantes :
- obligation de distinguer les faits graves et avérés de ceux supposés qui nécessitent une enquête préalable du service ; obligation d'une investigation sérieuse ayant pour objet de préciser les faits incriminés par une équipe différente de celle impliquée dans "l'enlèvement de l'enfant" ; lorsque les mesures de précaution ont été prises que l'Assistant Familial soit entendu sur les faits qui pourraient lui être reprochés par une équipe spécifique qui soit impartiale. Ceci avant la saisine judiciaire, ce qui éviterait bon nombre de garde à vue non fondées
- maintien de la rémunération pendant toute la durée de la procédure conduisant à prouver ou non la culpabilité pénale de l'Assistant Familial
- assistance juridique et psychologique pris en charge par la collectivité
Nous demandons donc que soient clairement, c'est-à-dire explicitement, étendues et adaptées aux Assistants Familiaux les dispositions de l'article 11 et l'article 30 du Statut Général des fonctionnaires.
2- Situation de l'Assistant Familial au départ du 2ème ou 3ème enfant accueilli alors même que l'Assistant Familial continue à accueillir au moins un jeune :
A ce jour, dans le cadre de la règlementation actuelle, c'est le grand vide juridique puisque l'Assistant Familial perd en totalité la part de la rémunération liée à l'accueil du 2ème, voire simultanément du 2ème et du 3ème jeune. D'une enquête récente que nous avons menée dans plusieurs départements il ressort que la rémunération moyenne pour le 2ème accueil est d'environ 86 H SMIC par mois, pour le 3ème accueil 92 H, ce qui représente une perte brute de rémunération de 760 euros voire 1 570 euros non compensée.
Cette situation se présente fréquemment et les services de l'Aide Sociale à l'Enfance ne sont pas capables d'anticiper le mouvement des jeunes. Des temps d'attente de 6 mois, voire un an ou plus avant un nouveau placement sont fréquents alors même que ces Assistants Familiaux ont donné toute satisfaction dans le travail qu'ils ont accompli auprès des jeunes qui leur ont été confiés et que les services sont favorables à leur en confier de nouveaux.
Quel autre salarié accepterait une telle fluctuation de ses revenus tout en ayant le même contrat de travail ?
Notre demande est la suivante :
- instauration d'une indemnité compensatrice, totale ou partielle de la rémunération perdue, pour tout départ d'enfant accueilli, en fonction de l'ancienneté du contrat de travail et du ou des contrats d'accueil
3- Situation de l'Assistant Familial au départ du dernier jeune accueilli alors même que l'Assistant Familial est en attente d'un nouveau placement :
La loi du 27 juin 2005 a certes amélioré la situation antérieure en portant à quatre mois au lieu de trois le versement d'une indemnité d'attente et en fixant son seuil minimum à 2, 8 H SMIC par jour, ce qui représente 84 H SMIC mensuel. Ceci étant, cela représente une perte de rémunération de plus d'un tiers de celle-ci, la rémunération moyenne au premier accueil - toujours en fonction de notre enquête - est d'environ 128 H SMIC par mois.
D'autant qu'à l'issue de cette période de quatre mois, ce salarié peut se retrouver soit licencié, soit se voir restaurer "la totalité de son salaire" (ex article L. 773-27 du Code du Travail). Mais nous avons à déplorer que certaines collectivités interprètent restrictivement cet alinéa en ne reversant à l'Assistant Familial que la part liée à la fonction globale d'accueil soit 50 H SMIC par mois, les prolongeant dans une précarité financière insoutenable.
Notre demande est donc la suivante :
- maintien de la totalité du salaire dès la fin du dernier accueil et tout le temps du maintien du contrat de travail
Nous souhaitons vivement, Madame le Ministre, que des dispositions légales, tant législatives que règlementaires, puissent protéger ces professionnels de l'enfance. Sans ces Assistants Familiaux, les établissements-foyers ne suffiraient pas à accueillir les "quelques 65 000 jeunes" de l'Aide Sociale à l'Enfance.
Voici les principales raisons qui motivent notre demande de vous rencontrer.
Dans cette attente, je vous prie d'agréer Madame le Ministre, l'expression de notre haute considération.
Alex DELUGE
Secrétaire Général de l'Union
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